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Cécile Trompette, le sport pour oublier la guerre

Seule Française médaillée aux Invictus Games, compétition destinée aux soldats blessés, le caporal Cécile Trompette, blessée en opération en Afghanistan s'est reconstruite grâce au sport
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Lorsque la jeune femme de 29 ans ferme les yeux, elle repense parfois à ce jour du 2 février 2011. Cécile Trompette, alors brancardier-secouriste au sein du 7e bataillon de chasseurs alpins, envoyée en Afghanistan en novembre 2010, saute sur un engin explosif au volant de son véhicule.

L'accident est violent : multiples fractures et hématomes, traumatisme crânien, les dents qui volent en éclats. Le choc laisse aussi des traces profondes, plus intérieures.
Rapatriée puis hospitalisée, elle reprend le travail après six mois d'arrêt. La militaire, engagée en 2002, originaire de Vedène tout près d'Avignon, est mutée au camp des Garrigues à Nîmes, mais alors que ses compagnons d'armes achèvent leur mission sur le théâtre afghan, elle se relâche et craque.
« Je ne supportais plus personne et je devenais même agressive » « Ça n'allait plus du tout, confie-t-elle. J'étais sujette à des énervements, je ne supportais plus personne et je devenais même agressive. C'est là que j'ai commencé à être suivie psychologiquement.
Mais je n'ai pas aimé et j'y ai mis fin. Je ne voyais plus personne jusqu'à ce que la Cabat (cellule d'aide aux blessés de l'armée de Terre) intervienne et me propose des stages de découverte du sport. »
Un peu à contrecœur, elle participe aux rencontres militaires Blessures et sport (RMBS) à Bourges. Durant ce stage, avec d'autres blessés en mission avec qui elle échange sur son expérience et noue de précieuses amitiés, la jeune sportive – elle pratiquait le taekwondo – redécouvre avec joie le sport, de l'équitation au basket en fauteuil en passant par l'aviron. « Après l'accident, on arrête le sport brutalement alors que nous les militaires nous sommes des sportifs, explique Cécile Trompette, caporal, avec son accent chantant. J'ai vraiment pris conscience que c'était un moyen de se défouler, de repousser à chaque fois ses limites. Surtout, lorsqu'on a fini une grosse séance, on est tellement fatigué qu'on est bien, on ne pense plus à rien. C'est un moyen de se libérer. »
Pour dépasser ses peurs et ses angoisses persistantes, elle prend part, six mois plus tard, à un autre stage, à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), sur la côte basque, avant de participer avec succès – elle rapporte trois médailles – aux Marine Corps Trials, une compétition sportive, aux États-Unis, réunissant plus de 350 militaires blessés de dix nations.
« Maintenant, le sport, je ne peux plus m'en passer. C'est ma thérapie. Évidemment que je pense toujours à mon accident. Personne n'en ressort indemne. Je ne pourrai sans doute jamais oublier. Mais, je n'en serais pas là aujourd'hui sans activité physique. »
Le sport lui a permis de se reconstruire peu à peu, de retrouver confiance en elle et en son corps, même si ce dernier demeure fragile. « Mon bras continue de m'embêter. Peut-être que je devrai subir d'autres opérations. » Des douleurs qui ne l'ont pas empêchée de décrocher une médaille d'argent sur 100 m aux Invictus Games de Londres, en septembre dernier, une compétition destinée aux soldats et vétérans de guerre blessés. Le sport rythme sa vie. Elle y consacre deux heures par jour. En athlétisme (sprint) et en natation, elle suit un entraînement élaboré par le Centre national des sports de la défense (CNSD) de Fontainebleau (Seine-et-Marne), chargé des blessés de l'armée qui font de la compétition.
Loin d'être rassasiée, la jeune femme parcourt aussi les terrains de football. Elle s'est inscrite en début de saison dans un club. Et, « plus motivée que jamais », elle s'est déjà fixé d'autres objectifs pour briller sous les couleurs de l'armée : les championnats de France militaires de natation, ou encore les prochains Jeux mondiaux militaires, en 2015 en Corée du Sud.
Après avoir remonté la pente, Cécile Trompette se projette vers l'avenir : « J'espère pouvoir repartir un jour en opération à l'étranger, témoigne-t-elle. Bien sûr que ça me fait un peu peur mais si je n'essaie pas, je ne saurai pas si j'en suis capable. »
Presque quatre ans après son accident en Afghanistan, la jeune femme pense « avoir fait le plus dur » sur le chemin de la reconstruction. Elle rechigne encore, cependant, à se dire heureuse. « Heureuse, c'est un bien grand mot, assure-t-elle dans un sourire. Ce n'est peut-être pas le bon mot, disons que je suis bien. »
Droits: ARNAUD BEVILACQUA