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Interview du LCL CATELAIN Laurent

« Les blessés veulent retrouver une vraie place dans la société. Pas une place au rabais »

Le lieutenant-colonel Laurent CATELAIN a été blessé aux jambes en août 2011 en Afghanistan.
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Il a pu reprendre le travail au sein de la 27e Brigade d'infanterie de montagne, dans un poste différent.
Que représente pour vous cette journée des blessés ?


« Elle permet d'abord de réaffirmer le lien Armée-Nation. Cette journée des blessés, qui sont nombreux à la 27 e Brigade d'infanterie de montagne, permet de leur apporter une reconnaissance. C'est une mise à l'honneur de l'engagement des militaires pour la France. L'idée, c'est quand même qu'on ne travaille pas pour nous... On travaille pour le pays, et ce besoin de reconnaissance se fait encore plus ressentir quand on l'a payé et qu'on l'a ressenti dans sa chair. [...] Le besoin des blessés, c'est aussi de retrouver leur place une fois rentrés. »
Qu'est-ce qui est le plus dur quand on est blessé ?
« Il y a trois combats. Un premier combat pour survivre, un deuxième pour se reconstruire et un troisième pour se réadapter, c'est-à-dire ouvrir des portes et avancer dans la vie. Pour moi, le plus dur de ces combats, c'est celui de la reconstruction, parce qu'il faut sortir du déni. Au départ, on ne veut pas être blessé. On ne veut pas le reconnaître. Se reconstruire, cela signifie se projeter dans l'avenir avec un handicap résiduel que l'on espère le moins important possible. Cette phase d'acceptation est assez longue et douloureuse, tant physiquement que psychologiquement. Heureusement, l'institution propose un retour dans la vie active à sa place, ou dans un autre poste. Tous les blessés que je connais ont retrouvé un poste dans l'Armée. »
À quel type de difficultés êtes-vous confrontés ?
« L'institution fait le maximum pour les blessés, mais nos droits ne sont pas toujours évidents à faire valoir auprès des administrations. Chaque blessé doit se justifier, savoir à quelle porte taper, comment constituer un dossier, donc pour certains, cela peut être vécu comme une injustice. »
La blessure, avant qu'elle n'arrive, est-ce qu'on l'envisage vraiment comme une possibilité ou bien est-ce un risque très abstrait ?
« Le milieu de la montagne est un milieu difficile et dangereux donc je dirais que nous, troupes de montagne, sommes mieux sensibilisés que d'autres au risque de blessure ou de décès. Pour nous, il n'y a pas de rupture entre le temps de paix et le temps de guerre. Le danger est toujours présent. »
En ce qui concerne le lien Armée-Nation, avez-vous le sentiment d'être soutenus par la population ou, au contraire, ressentez-vous une certaine indifférence ?
« Si les civils se désintéressent de notre sort, c'est principalement parce qu'ils ne sont pas informés. Après un reportage télévisé qui a été consacré aux blessés, nous avons chacun reçu des centaines de lettres de soutien. Cela démontre bien que dès lors que les gens sont informés, ils ne sont pas insensibles à notre sort. »
Les appareillages, l'équipement des véhicules doivent coûter cher. Comment les blessés font-ils face ?
«  Tous ceux qui sont appareillés ont ce qu'on appelle un droit de tirage annuel pour une prothèse de bonne qualité. Mais ce type de prothèse ne permet pas de faire du sport. Et quand on est militaire, c'est très dur de ne plus pouvoir faire de sport ou de montagne, surtout quand c'est notre spécialité. C'est aussi pour cela que les associations, et donc les dons faits lors de cette journée des blessés sont importants, car cela permet d'acheter des prothèses pour le sport. Cela permet de vivre dans son milieu, d'être mieux dans sa tête et de se reconstruire plus vite. Les blessés veulent retrouver une vraie place dans la société, pas une place au rabais. Grâce aux associations, on a pu faire du ski avec des appareils spéciaux. C'était super.
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En ce qui me concerne, puisque je ne peux plus plier le pied, je sais que je ne pourrais plus faire du ski autrement. Cette journée nous a permis de retrouver la neige, le monde des Alpins. Ça permet aussi de se retrouver autour d'activités entre blessés et de réunir les familles. Ça peut donner des clés à certains pour trouver des solutions à certains problèmes. Ces journées sont des journées pour avancer, pas pour ressasser. La famille, c'est quelque chose de très important.
Tant qu'on est dans l'épreuve, les familles restent soudées. C'est sur la longueur que les choses peuvent se compliquer. »