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Adieu aux armes du LCL Laurent CATELAIN

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La cérémonie de la Saint Bernard, présidée par le général de corps d'armée Sainte-Claire Deville, commandant les forces terrestres, a été marquée cette année par l'adieu aux armes du Lieutenant-Colonel Catelain, blessé de Guerre, qui a quitté ce jour, 20 juin 2015, le service actif après 39 années de service!

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A l'issue de la cérémonie, c'est sous l'œil attentif et bienveillant de Saint Bernard et devant sa famille, ses amis, ses anciens chefs et ses compagnons d'armes du GCM qu'il a prononcé quelques mots dont chacun devrait s'imprégner et conserver en mémoire!
"En avant" pour une nouvelle page de vie consacrée certainement un peu plus à la famille et aux amis!

 

Adieu aux armes du LCL Catelain le 20 juin 2015

"C'est un grand honneur pour moi de quitter l'institution par la grande porte de la 27e brigade d'infanterie de montagne, debout, au milieu de mes frères d'armes, et entouré de ma famille et de mes amis très chers.
Je réserverai mes remerciements pour la fin de mon intervention et ne reviendrai pas sur l'ordre du jour qui a résumé 39 ans d'une carrière débutée à 17 ans à l'Ecole Nationale des Sous-Officiers de Saint-Maixent, 78e promotion. Je note toutefois mon général que vous avez passé sous silence nombre de mes défauts à commencer par mon impatience, mon intransigeance quelquefois et un caractère assez rugueux.
Vous tous qui me connaissez bien, en tous cas pour les plus anciens, vous savez que je ne regarde jamais dans le rétroviseur, que je ne raconte pas mes campagnes, et que ma devise est « en avant ». Je ne dérogerai donc pas à cette règle, ne vous rebattrai pas les oreilles avec des « c'était mieux avant », ni ne vous donnerai des conseils d'ancien que je ne suis pas encore.
Non, je veux juste vous témoigner mon immense fierté d'avoir servi sous vos ordres messieurs les généraux commandant de brigade, messieurs les colonels – chefs d'état-major, chefs de corps, chefs de bureau instruction –. La fierté aussi d'avoir commandé des hommes exceptionnels de par leur courage, leur sens du devoir, leur abnégation, leur foi, et leur savoir-être des troupes de montagne.
Très jeune je me suis essayé avec délectation au plaisir de commander, comme chef de bande ou chef d'un groupe chez les louveteaux, commander pour ne pas subir, pour m'imposer malgré ma petite taille et vaincre ma timidité naturelle. Ces premières expériences m'ont conduit tout naturellement vers l'engagement et le métier des armes qui m'a comblé au-delà de mes espérances. Le chef de bande est ainsi devenu chef de groupe jusqu'au sacrement, en 2010, comme chef du groupement commando montagne. Chaque niveau de commandement jusqu'à ce jour sans discontinuer m'a apporté d'immenses satisfactions professionnelles et personnelles, parmi lesquelles celle de fixer un cap, instruire, entraîner au combat, guider et conseiller, atteindre l'objectif fixée et Servir avec un grand « S » au sein d'une communauté d'hommes de grande valeur. J'ai connu quelques déceptions à la marge et dû accepter le pire lorsque plusieurs de mes hommes ont payé de leur vie leur engagement. Malgré tout, le besoin de servir et de commander ne s'est jamais émoussé, comme ne s'est jamais étiolé mon amour de la montagne qui a forgé mon caractère et endurci mon corps.
Je reste intimement persuadé de la chance que nous avons de prouver nos capacités physiques et morales par la pratique assidue de la montagne, école de vie où l'on ne peut pas tricher, où il faut savoir s'engager, où il faut se faire confiance, où la préparation de la course s'apparente à la préparation mission, où la compétence l'emporte sur le grade, même si la hiérarchie est une science exacte. Notre milieu naturel d'entraînement nous apporte tous les éléments pour réussir dans le métier des armes ; engagement, études des cas non conformes, dépassement de soi, atteinte du sommet malgré les risques et les difficultés, humilité, sagesse, esprit de cordée, confiance réciproque et je pourrais continuer ainsi longtemps. En montagne, comme au combat, il n'y a pas de missions de routine, il n'y a pas de petite sortie. Les dangers objectifs et subjectifs sont à appréhender comme autant de cas non conformes, dans les deux cas, la connaissance du milieu est gage de réussite. S'endurcir en montagne, c'est s'affermir pour se préparer à traverser les épreuves de la vie. Nous puisons là notre force et les ressources pour se relever toujours.
J'ai aussi eu la chance de pouvoir construire ma carrière en saisissant toutes les opportunités de m'élever dans la hiérarchie. Et je le dis avec force pour les jeunes, le travail paye, les efforts sont récompensés, le dépassement de soi dans tous les domaines permet de gravir les échelons de l'échelle sociale. S'élever par l'effort est toujours une réalité, encore faut-il accepter de sacrifier du temps et de la sueur en plus de son travail. Notre armée de Terre autorise toujours des parcours atypiques, des passerelles multiples permettent de changer de statut, il faut juste savoir saisir les opportunités puis fournir le coup de collier au bon moment.
Je pars aujourd'hui à l'aube d'une énième réforme, « armée de Terre au contact » qui doit vous conduire vers une armée densifiée, modernisée et encore plus opérationnelle pour relever les défis de demain. La 27 y tiendra toute sa place au sein de la 1ère division, elle continuera à marquer les esprits par ses compétences, son sérieux, son allant et son dynamisme. A vous donc de nouvelles et belles missions pour tenter de pacifier ce monde un peu fou, à moi le rôle de spectateur et de relais dans le civil. Vous « quitter » aujourd'hui, contraint et forcé, n'est donc pas simple pour moi, mais mon handicap me ferme définitivement la porte des missions opérationnelles. Je n'ai pu me résoudre à accepter un poste administratif, c'était contraire à mes convictions.
Je voudrais maintenant clore mon intervention de ce jour par des remerciements appuyés et c'est par le GCM que je veux débuter ceux-ci. Dans cette unité d'élite de par la qualité des hommes qui le servent et les missions qui lui sont confiées, j'ai trouvé la consécration de ma carrière, le Graal pour ainsi dire. A défaut de porter des étoiles sur mes épaulettes, elles brillaient dans mes yeux. Le GCM a su se réformer pour tutoyer les sommets, il a su garder son âme héritée des sections d'éclaireurs skieurs et a su développer des compétences rares à un haut niveau. Les commandos m'ont donné le meilleur, je leurs dois ma gratitude. Ils m'ont soutenu dans l'épreuve et se sont réjouis à chacune de mes victoires sur l'adversité. Je sais qu'ils poursuivront sur la voie que nous avons tracé ensemble, je sais aussi qu'il faudra encore qu'ils se battent pour être pleinement reconnu au plus haut niveau mais ils y arriveront, je n'ai aucun doute. A tout l'EM27 et au B.RENS en particulier, j'exprime ma grande satisfaction et ma gratitude. Pendant huit ans, je me suis fait plaisir dans une ambiance de travail studieuse mais oh combien décontracté, rarement un mot plus haut que l'autre, toujours le souci de la perfection et la volonté de nous surpasser, fortement impliqué au profit des corps de la brigade à la recherche des moins mauvaises solutions afin de préserver le contrat opérationnel fixé par le CFT.
A mes chefs prestigieux ici présents, à ceux qui ont cru en moi, je veux citer par ordre d'arrivée dans ma carrière, le général Boyer et le général Houssay au 27e BCA qui m'ont mis sur les rails, le général de Malaussène au 13e BCA qui m'a accordé sa confiance dans une période tragique pour le bataillon, et vous tous qui n'avez pas douté de mes capacités, le général Sublet qui m'a envoyé un gentil mot, les généraux Moussu, Foucaud, Druart, Wattecamps et Bizeul, actuel COMBIM, Merci : vous n'avez jamais bridé mes initiatives, vous ne m'avez jamais imposé le silence, vous m'avez fait confiance et progresser encore et toujours, je vous dois ma carrière.
A vous tous mes pairs, à vous les sous-officiers et les militaires du rang que j'ai eu la joie de commander, merci pour les relations franches et entières qui ont été les nôtres. Nous avons souffert ensemble dans l'effort, nous nous sommes réjouis des missions réussies et des victoires en compétition, bref ; nous avons mené une vie palpitante et unique. Je sais que vous avez été bouleversés lorsque j'ai été blessé, j'ai mesuré le sens des mots « compagnons d'armes » au travers des témoignages de soutien que vous m'avez envoyé. Je n' oublierai jamais ces belles tranches de vie vécues ensemble.
A vous mes amis intimes civils et militaires, Dédé et Sollange, Doudou et Michèle, les Daniel, Christian, Myriame, Nicole et Régine, Jeb, Patrick, olivier et tant d'autres, vous avez toujours su nous témoigner à Guylaine et à moi une considération et une amitié indéfectible, et si je m'exprime debout aujourd'hui devant vous tous, c'est grâce à cette amitiés réciproque, celle qui soutient dans l'adversité, qui rassure et motive contre la déprime, qui met de la joie et de l'ivresse à la place de la peine. Car au-delà de notre grande famille, les amis ont toute leur place.
A Bernard, mon chirurgien de Percy qui a soigné mes blessures et tenté pendant plus de trente mois de reconstruire mes pieds, pardon et merci. Pardon de t'avoir demandé l'impossible pour un éminent spécialiste comme toi de l'orthopédie, te demander d'amputer alors que tu t'étais juré de me rendre mon intégrité physique par les opérations. Et Merci de m'avoir suivi dans mon choix sans jugement. Le passionné de la mer a compris le passionné de la montagne, tu as compris que je ne pourrais survivre sans elle. A travers toi, je veux remercier tout le service de santé des armées qui œuvre sans relâche pour que les blessés reprennent leur place ne serait-ce que quelques mois, au sein de l'institution. Je te prie t'accepter ma tarte comme cadeau d'amitié.
Au général German et à toute son équipe de l'Entraide montagne, au colonel Maloux de la CABAT ici présent et à toutes nos associations qui œuvrent sans relâche. Merci pour le temps passé à notre écoute, pour votre engagement auprès des familles et des blessés, pour les beaux projets qui voient le jour. A vous tous, je peux certifier que notre association « l'entraide montagne » est une grande et belle association et je suis toujours peiné de voir que certains hésitent encore à lâcher dix malheureux euros de cotisation annuelle lorsque l'on sait ce qu'elle apporte à notre profit. Si nos associations périclitent, il ne faudra pas compter sur l'Etat, donc la défense, pour améliorer le quotidien des blessés et de leur famille.
A mes enfants, Merci pour votre patience. Ce n'est pas simple d'être la fille et le fils d'un homme hyperactif et entièrement tourné vers sa mission opérationnelle. Je vous ai délaissé pour n'assouvir qu'un seul objectif, être le meilleur à la tête de mes hommes. Capable de traiter des dossiers complexes, j'ai été incapable de mener de front une vie professionnelle et familiale, j'ai délégué à votre mère votre éducation pour m'investir pleinement au boulot. J'Je n'ai jamais su lever le pied, et encore aujourd'hui cela m'est impossible.
A Guylaine enfin, mon épouse adorée qui aura tout supporté et notamment le plus difficile, celle de retrouver son mari gravement blessé par engin explosif jusqu'à supporter une double amputation et vivre avec un pauvre handicapé, je te dois tout. Tu m'as permis de me réaliser à 100%, tu as pleuré à chacun de mes départs, tu as souffert en silence, tu as veillé tant d'heures à mon chevet et pourtant tu as fait face dans la dignité. Aucune médaille, aucun témoignage de reconnaissance ne sont venus récompenser ton engagement à mes côtés, nous ne sommes pas dans l'armée américaine qui met les épouses à l'honneur en les décorant. Moi-même n'ai jamais su rendre l'amour que tu me portes, alors aujourd'hui, ici devant mes compagnons d'armes au sein de notre grande et belle famille des troupes de montagne, je voudrais qu'un tonnerre d'applaudissements, oui, un tonnerre d'applaudissements viennent te réchauffer le cœur et te disent : Merci à toi et à travers toi, merci à toutes les femmes qui dans l'ombre assurent, souvent seules, l'éducation des enfants et le quotidien, elles aussi méritent d'être mises à l'honneur.
Et si c'était à refaire ? Je vous le dis sans détour, exactement la même carrière. Je ne voudrais rien changer si ce n'est rayer deux maudites dates, celle du 5 septembre 1996 et celle du 4 août 2011.
Merci à tous, longue vie à la brigade de montagne bientôt endivisionnée."